Cette thèse interroge la reconfiguration des rapports sociaux et des modalités d’organisation de la vie collective d’un village, à la suite de la disparition du système de patronage tenu par des exploitants agricoles de tabac. À partir d’une ethnographie de dix-huit mois, réalisée entre 2014 et 2022, cette thèse étudie les manières dont les habitants d’un village, attachés jusqu’à récemment à un rapport de dépendance auprès des patrons de petites plantations de tabac, prennent position face au départ de ces derniers, lesquels incarnaient une autorité à la fois économique, politique, religieuse et morale. Au Nord-Ouest de l’Argentine, ces patrons ont organisé les rapports de production, conditionné la vie matérielle des familles, financé et décidé des améliorations et de l’aménagement du village et organisé les activités collectives. Cependant, ce modèle productif décline à partir des années 1980 et s’articule au phénomène d’urbanisation récent. Face à la disparition des plantations, certains habitants mettent à profit leur bonne réputation et l’accès à des ressources diverses, afin de se positionner socialement en tant que référents locaux, pour proposer de nouvelles formes de faire le monde et faire communauté sans patron. Un des enjeux de cette transformation est celui de la réorganisation des célébrations religieuses catholiques, autrefois réalisées sous le parrainage des patrons. Exercer cette fonction sert à certains habitants à occuper aussi une place centrale dans l’organisation de la vie collective. Les événements religieux permettent aux acteurs de maintenir vivant ce qu’ils nomment « la tradition » tout en prenant position et en agissant dans un présent incertain. Ainsi, ces célébrations ne proposent pas uniquement un regard nostalgique vers le passé, mais surtout un regard porté vers l’avenir, lequel se construit dans l’action collective au présent. Leur enjeu majeur est alors de proposer et de mettre en place des projets d’avenir, en représentant « la communauté » locale et en défendant des intérêts collectifs vis-à-vis de nouveaux interlocuteurs politiques.
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