Le déclin et la fermeture de nombreuses conserveries qui jusqu’aux années 70 du XXe siècle animaient une partie du territoire au sud-ouest de la ville de Matosinhos au Portugal, a culminé avec l’existence d’un espace occupé en grande partie par des usines à l’abandon et en ruines. Un diagnostic urbain et social réalisé par le pouvoir local a abouti à la proposition d’une réforme urbanistique pour cette zone. Une surface d’action de 101 ha qui serait désormais nommée par le biais de la toponymie Matosinhos Sul [MS] a alors été administrativement circonscrite. Le pouvoir local, les investisseurs, les architectes ou les urbanistes ont discuté de la transformation constructive et fonctionnelle de cette zone dès le début des années 1990. En conséquence, à partir des dernières années de la même décennie, de nouveaux habitants ont commencé à arriver à MS. Ils sont venus occuper un ensemble de nouveaux immeubles d’appartements au prix d’achat élevé. À leur arrivée, ils ont trouvé un espace très souvent comparé aux ‘qualités sociales et urbaines’ des beaux-quartiers de la ville voisine, Porto. Mais ils ont également trouvé des bâtiments abandonnés, de vieux espaces commerciaux ou une occupation de l’espace public pas toujours conforme à leurs attentes.
La question posée à propos de ce scénario est simple : comment MS s’est-il formé ? Afin de répondre à cette question, une hypothèse épistémologique différente a été adoptée. MS n’a pas été considérée comme une unité géographique et sociale a priori. Le ‘risque tautologique’ d’analyser cet espace à partir d’une unité géographique préalable ou d’y chercher des groupes sociaux conformes aux divisions scientifiques n’aboutirait qu’à la réunion de cette unité et de ce groupe. Au lieu de cette approche, qui risque de ratifier des catégories pratiques et savantes, nous avons plutôt cherché à savoir comment les acteurs sociaux engagés dans cette réforme urbaine ont défini, selon leurs dispositions sociales, ce qu’est ou devrait être MS. Cette approche se traduit par l’apparition d’un ensemble de représentations sur les diverses dimensions constitutives de la vie sociale de MS qui, autrement, seraient cachées. Dans les méandres de cette pluralité de points de vue – sur lesquels nous cherchons évidemment des régularités – il y a une série de luttes à propos de la direction sociale, symbolique et territoriale de MS. Ainsi, cette thèse propose de collecter et d’analyser un ensemble de catégories et d’actions mises en œuvre par différents acteurs afin de définir MS. Pour finir, à partir de cette étude, nous entendons montrer que les propriétés associées à un espace et aux groupes qui l’occupent sont avant tout des conventions socialement fondées.
Cette recherche sera développée à partir d’entretiens semi-directifs, d’observations, de l’étude de statistiques officielles, de la consultation de documents juridiques et de l’analyse de sources journalistiques. Avec cela, nous essayons de restaurer les stratégies d’action qui se trouvent derrière une série d’agents impliqués dans cette opération et (trans) formation sociale et urbaine. Parmi eux, des politiciens du pouvoir local, des architectes, des résidents, des commerçants, mais aussi quelques ‘gardiens » des immeubles qui marquent la morphologie de ce ‘nouvel’ espace.
École Normale Supérieure
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