Nous étudions la manière dont les Colombiens et les Colombiennes, dans une société où les inégalités de revenu sont élevées, donnent du sens à la pauvreté. La pauvreté est considérée comme un phénomène social et relationnel qui détermine les formes de la solidarité entre les membres d’une société. Dans cette optique, nous avons examiné les liens sociaux qui font tenir la société colombienne, ce qui nous renvoie à la façon dont les plus pauvres y sont perçues et intégrées. À cet égard, nous nous inspirons de la théorie de l’attachement social, de la théorie des représentations sociales ainsi que de la sociologie culturelle qui étudie le traçage de frontières symboliques et sociales. Nous testons l’hypothèse d’une naturalisation de la pauvreté en tant que processus collectif, cela en ayant recours à deux perspectives : d’une part, nous réalisons un traitement d’enquêtes d’opinion représentatives ; d’autre part, nous avons mené des entretiens dans quatre territoires, les villes de Bogota et de Carthagène des Indes ainsi que les villages de Viota et de San Jacinto. Les représentations sociales ainsi repérées rendent compte d’une naturalisation de la pauvreté en tant que système primaire, historique et fonctionnel. Sont révélées toutefois des contestations par des franges de la population conscientes des causes externes de la pauvreté et qui réclament une société fondée sur le critère du mérite. Il existe une volonté de réduction des inégalités, nonobstant il persiste une empreinte familialiste forte dans la configuration des liens sociaux conjuguée à une faiblesse de la sphère citoyenne et associative ; une situation qui entrave les transformations normatives permettant de considérer la personne pauvre comme un membre de la société de plein droit, loin des propos qui la moralisent. Plus largement, le cas peut éclairer certains mécanismes sociaux qui concourent à la légitimation des inégalités objectives.
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