Cette thèse vise à comprendre comment l’inscription dans un lieu de vie influence l’entrée dans la vie adulte des jeunes femmes des classes populaires dans les espaces ruraux. Elle interroge la dimension localisée de l’imbrication des rapports de genre et de classe.
L’enquête repose sur des entretiens et observations auprès d’une cinquantaine de sortantes de baccalauréats professionnels des secteurs sanitaires et sociaux, âgées de 18 à 25 ans, dans un département à la population vieillissante et à l’écart de l’offre de formation supérieure. L’observation de différentes scènes sociales « hors travail » a été accompagnée d’observations en contexte scolaire, pour mieux comprendre la socialisation spatiale de ces jeunes femmes. Ce travail ethnographique est nourri par des exploitations statistiques complémentaires, à partir de données localisées et d’enquêtes nationales.
Cette étude met d’abord en évidence les mécanismes d’assignation territoriale à destination des jeunes femmes, dans les sphères familiale, scolaire et professionnelle. Elle pointe la centralité de l’installation « chez soi », signe de réussite sociale et d’attachement à son territoire. Cet idéal d’installation hiérarchise les classes populaires et marque leur hétérogénéité interne. Ce modèle est également indissociable de la place assignée à ces jeunes femmes dans la division sexuée du travail et dans les stratégies de reproduction sociale mises en œuvre par ces familles populaires. Celles qui restent investissent fortement dans le soi dévoué, que ce soit auprès de leurs proches, sur le marché du travail, ou pour « leurs coins ». Finalement, la thèse montre que leur reconnaissance est particulièrement fragile, inséparable de leur travail gratuit, et ne donne accès qu’à de petites rétributions à cet âge de la vie.
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