L’enquête s’intéresse au récit émanant du secteur spatial selon lequel les données satellite sont un élément clé pour la gouvernance du climat, non plus seulement au travers des recherches sur le système climatique terrestre mais grâce à des outils d’aide à la décision et des services climatiques les exploitant quasiment en temps réel. Elle a pour objet le programme européen d’observation de la Terre Copernicus (anciennement GMES), lancé en 1998 et en fonctionnement depuis 2014. Démarrée en janvier 2023, cette thèse s’articule pour le moment autour de trois enjeux principaux :

• Le discours qui promeut l’utilisation dite « opérationnelle » des données satellite repose sur une compréhension implicite des rapports entre science et société, selon laquelle la mise à disposition d’outils – nécessité toujours renouvelée d’un secteur spatial reposant sur des démonstrateurs techniques afin de trouver son public – permettrait d’irriguer la prise de décision publique et privée. Quelle est la généalogie de cette logique, apparemment présente dans de nombreuses initiatives du secteur de l’observation de la Terre qui, depuis les années 1980, affirme que le « management » de la nature passe nécessairement par sa mesure panoptique ? Dans quelle mesure cette logique est-elle partagée par les scientifiques et les acteurs du secteur ?
• Les données satellite sont souvent présentées comme « brutes », ou du moins comme des ressources neutres permettant d’informer les preneurs de décision. Or, elles sont en réalité le résultat d’une longue séquence d’opérations, de leur capture initiale à leur diffusion. Quelle est la nature du travail effectué pour créer et diffuser ces données, dans quel contexte politique, dans quel cadre technique et juridique ? Qui en est responsable ? Quels sont les usages projetés et comment ces données sont-elles reçues ou non en dehors du secteur spatial ? Comment sont pensés les enjeux autour de la mise à disposition gratuite des données et de leurs usages commerciaux ?
• Les conséquences de la disponibilité des données satellite et de l’émergence d’outils et de services climatiques sur la « gouvernance » du climat sont incertaines et peu documentées. Les solutions techniques proposées semblent souvent partir du principe qu’il suffirait de mettre à l’échelle un démonstrateur pour ainsi régler en tout lieu ce qui est cadré comme un même problème environnemental ou climatique, indépendamment des configurations politiques et économiques locales. Autrement dit, ces outils supposent que les enjeux climatiques sont au moins en partie solubles dans une solution technique. Comment se développent ces solutions, et comment sont-elles utilisées ou non ? Quelles résistances leur diffusion rencontre-t-elle ?