Centre Maurice Halbwachs

« Le sou du prolétariat contre le million du capitalisme ». La pratique des caisses de grève dans le mouvement ouvrier français (1830-2023) : configurations sociales et dilemmes stratégiques des solidarités ouvrières

La présente recherche s’intéresse à la fabrique des solidarités ouvrières, c’est-à-dire aux moyens par lesquels le mouvement ouvrier parvient, dans certaines situations, à mobiliser une partie de la classe pour en soutenir une autre. C’est ce qui donne lieu à l’émergence temporaire de configurations de solidarité, à chaque fois selon un périmètre et des modalités spécifiques. Il est possible d’éclairer ces processus en s’intéressant aux grèves longues et à leurs enjeux de financement.
Or, ces enjeux semblent justement présenter une particularité notable dans le cas de la France : l’évidente rareté des caisses instituées par les organisations syndicales. Celle-ci tend toutefois à être compensée par la diffusion des caisses et collectes éphémères, ainsi que par l’expérimentation de formules hybrides. Et il s’agit donc de comprendre comment, dans les conditions spécifiques du champ syndical français, une même absence de prise en charge syndicale peut simultanément handicaper la capacité des grèves à durer, mais favoriser la production de solidarités grâce aux flux financiers.
Grâce à la notion de répertoire d’action collective, on peut rapporter ces options stratégiques et tactiques à certains facteurs déterminants : les configurations historiques et syndicales, les pratiques antagonistes du patronat et de l’État, l’articulation entre tradition et innovation militantes. La tension entre diverses modalités de financement des grèves permet d’éclairer plus spécifiquement les dilemmes qui accompagnent inévitablement l’action collective. Enfin, le recours à l’argent et au don peut faire de ceux-ci des vecteurs de solidarité, ce qui soulève toutefois diverses questions relatives à l’interaction entre donateurs et bénéficiaires.
En s’intéressant à la pratique des caisses de grève, la présente recherche porte ainsi sur la construction des solidarités ouvrières en France entre 1830 et 2023 : d’une part, en analysant la spécificité des configurations sociales qui conditionnent ces solidarités ou qui en résultent, et, d’autre part, en explorant les dilemmes stratégiques qu’elles posent aux différents acteurs impliqués (grévistes, organisations syndicales, donateurs, patronat, État). Elle combine pour cela l’exploitation de cinq fonds d’archives (syndicales, patronales, municipales), la réalisation d’entretiens semi-directifs (n = 60), l’observation ethnographique de plusieurs grèves en cours, et l’analyse statistique d’un questionnaire rempli par 10 000 donateurs.

Co-direction

Sophie Beroud (Université Lyon 2, TRIANGLE)

Composition of the jury

Sophie Béroud, Université Lumière Lyon 2, Triangle, directrice de thèse
Anne Bory, Université de Lille, CLERSÉ, examinatrice
Nicolas Delalande, Sciences Po Paris, CHSP, examinateur
Barry Eidlin, McGill University Montréal, Department of Sociology, rapporteur
Baptiste Giraud, Aix-Marseille Université, LEST, examinateur
Liora Israël, École des hautes études en sciences sociales, CMH, examinatrice
Julian Mischi, INRAE, IRISSO, rapporteur
Johanna Siméant-Germanos, École normale supérieure de Paris, CMH, directrice de thèse

Defence

28/11/2025

09h00

EHESS, 54 boulevard Raspail, salle BS1_05/BS1_28
Publiée le 2022-01-11 par Webmaster (dernière modification le 2025-10-22)