Cette thèse est partie d’une interrogation sur les modalités de transmission en milieu urbain de l’ethnicité sereer, associée par excellence à la ruralité dans le paradigme ethnique sénégalais et réputée menacée de disparition. L’approche déconstructiviste de l’ethnicité, essentielle en particulier dans l’étude des « ethnies » africaines, s’est avérée insuffisante pour une compréhension adéquate de l’expérience d’appartenance vécue par les enquêtés. Il a donc semblé pertinent de remobiliser la notion weberienne de croyance en une origine commune, qui ouvre la possibilité de réintégrer la dimension subjective de l’ethnicité vécue comme lien de filiation entre les membres du groupe et, dans un mouvement complémentaire inspiré par la théorie des liens sociaux et des régimes d’attachement, d’envisager ce lien de filiation dans sa relation avec d’autres liens caractéristiques de la vie sociale. Ainsi repositionnée, l’ethnicité peut être analysée à travers les cadres sociaux de sa formation, de sa mise en œuvre et de sa transmission, et apparaît comme un fait social à part entière s’imposant au regard du sociologue. L’enquête, menée de manière inductive auprès de personnes se disant sereer installées à Dakar et à Paris, a mené au constat d’une forte diversité dans les rapports revendiqués par les intéressés à l’ethnicité sereer. Il est apparu que ces rapports s’organisent sur le fond de la représentation idéale dominante d’une modernisation linéaire, opposant schématiquement tradition et modernité, à laquelle l’approche théorique de l’ethnicité elle-même est encore partiellement soumise. L’analyse du matériau d’enquête a ainsi conduit à la construction d’une typologie des rapports idéalisés aux origines et des modalités de transmission associées. Il en ressort qu’au niveau du groupe, l’ethnicité sereer, réinterprétée selon le cadre relationnel, international ou national, mobilise différemment les personnes s’en réclamant. A un niveau plus individuel et familial, la confrontation des discours et pratiques des enquêtés à la typologie a permis d’éclairer la manière dont les rapports aux origines, travaillés par des réalités de socialisation et de positionnement social différents pour les membres du groupe, influencent leurs pratiques familiales de transmission et le sentiment d’appartenance ethnique des descendants. Il apparaît finalement que loin de les soustraire à la machine sociale, l’expérience ethnique met le groupe et son projet de reproduction à l’épreuve des facteurs sociaux, dans le temps et l’espace, et pose en réalité la question de ce qu’est faire société.
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