Au croisement de la sociologie du travail, du syndicalisme, des crises politiques et des études de genre, cette thèse, fondée sur une enquête ethnographique au long cours des conflits du travail dans la sous-traitance internationale, entend apporter un éclairage inédit sur les reconfigurations du mouvement des travailleur·ses tunisien·nes lors du processus révolutionnaire amorcé en décembre 2010. Alors que les recherches en sciences sociales sur les crises politiques au Maghreb et au Moyen-Orient sont nombreuses, les mondes du travail demeurent un angle-mort. Pourtant, au cours de cette période, les travailleur·ses tunisien·nes ont massivement fait irruption sur la scène politique : ils et elles ont interrompu la production, formé des syndicats, occupé et saboté les lieux de travail et se sont parfois engagé·es dans des grèves de la faim. Cette enquête multisituée menée dans les secteurs du textile, des centres d’appels et de l’électronique, à Tunis, Mahdia, La Chebba et Sousse, a permis de saisir le mouvement des travailleur·ses dans la pluralité de ses dimensions : celle des protagonistes, des entreprises et des structures syndicales et à l’intersection des rapports sociaux qui le traversent. Si les révolutions sont souvent analysées au prisme des ruptures sociales, cette étude, en cherchant à sérier les événements marquant le mouvement des travailleur·ses, a révélé à la fois ses transformations et ses continuités : ses rythmes, ses formes, ses possibles et ses fermetures contestataires variant d’une séquence à l’autre. Au plus près des acteur·ices en lutte, cette enquête, a, également mis en lumière des variations au sein de chaque séquence : certains conflits qui se sont inscrits dans un même répertoire d’action n’ont pas abouti aux mêmes issues ; des mobilisations ont été plus inventives que d’autres ; certain·es acteur·ices ont été exclu·es de l’espace syndical, quand d’autres y ont fait « carrière ». Une lecture genrée s’est révélé nécessaire à la compréhension de ces dynamiques.
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