Dans le contexte d’occupation et de conflictualité coloniale en Israël-Palestine, l’idée que « la religion » doit faire partie de tout processus de résolution du conflit se fraye un chemin au sein des communautés juives et chrétiennes. La démarche théologico-militante commune à ces mobilisations consiste à envisager la paix et la coexistence avec l’« autre » en prenant appui sur des manières alternatives et contextuelles d’interpréter la tradition religieuse. A partir d’une ethnographie réalisée au sein de trois milieux militants (la théologie de la libération palestinienne, les ONG religieuses juives pour les droits humains et les groupes de dialogue formés par des colons religieux et des Palestiniens en Cisjordanie occupée), cette recherche interroge les conditions de possibilité et les effets du recours au langage religieux. A contre-courant d’une littérature largement normative sur le sujet, elle vise non pas à prouver une compatibilité entre « religion » et « paix » qui n’a pas lieu d’être questionnée, mais plutôt à saisir par quels processus dialectiques et relationnels se structure, en termes religieux, une cause politique. La notion d’espace des organisations religieuses pour la « paix » met l’accent sur l’hétérogénéité des acteurs et des groupes qui se mobilisent autour de cette cause, dont les frontières se dessinent au cours de luttes de cadrage internes. Au croisement de la sociologie de l’engagement militant, de la sociologie politique des religions et des études (post)coloniales, cette thèse comporte trois axes. D’une part, en se situant à l’échelle des organisations, elle propose une sociogenèse de celles-ci, en les réinscrivant dans l’histoire religieuse, politique et coloniale. D’autre part, au niveau des trajectoires individuelles, elle explore la construction de la légitimité dans l’espace militant. Enfin, en s’intéressant à l’espace dans son ensemble, elle étudie la dimension cognitive de l’engagement militant et les remises en question de la doxa coloniale sioniste qui s’y font jour.
École Normale Supérieure
Bâtiment Oïkos
48 boulevard Jourdan
75014 PARIS