Cette thèse a pour objet les liens sociaux entre les travailleurs du secteur de l’intelligence artificielle (IA) à Montréal, métropole qui connaît depuis les années 2010 un engouement social, économique, politique et médiatique pour ce secteur peu touché par la crise et par l’instabilité en emploi. Les travailleurs de l’IA occupent des emplois aux savoirs et aux savoir-faire hétérogènes et collaborent directement et indirectement pour construire collectivement les passerelles entre la science et la technologie. Au croisement de la sociologie des professions et de la sociologie du lien social, cette recherche interroge les caractéristiques des liens entre ces travailleurs mais aussi l’organisation symbolique dans laquelle ils sont intégrés. Elle mobilise le concept de communauté professionnelle pour désigner d’une part les travailleurs de l’IA dans leur ensemble, et d’autre part, ce pouvoir moral qui unit leurs intérêts individuels autant qu’il les dépasse. En étudiant leurs modes d’intégration, d’engagement dans l’activité, de reconnaissance et de protection, il ressort que l’intérêt partagé pour l’intelligence artificielle et la satisfaction de participer à « l’essor » de son secteur d’activité caractérisent significativement les liens qui les unissent. La popularité politique et économique du label « IA » renforce le prestige des travailleurs, qui doivent en retour continuer de renforcer sa légitimité dans l’espace social. Construites sur une approche mixte, les analyses révèlent en effet que ces liens entrainent des formes de dépendance et des rapports de pouvoir symbolique entre les professionnels et les travailleurs de métier qui composent la communauté professionnelle de l’IA.
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