Figures familières et incontournables des organisations de travail du secteur privé comme du secteur public, les secrétaires, essentiellement des femmes, sont aujourd’hui plus de 600 000 en France. Sous l’effet de puissants discours savants et gestionnaires qui, depuis les années 1960, ne cessent de prophétiser leur disparition, et de nomenclatures statistiques qui peinent à les délimiter, étonnamment peu d’enquêtes ont porté spécifiquement sur ces employées depuis celles fondatrices menées en France et à l’étranger dans les années 1970-1980. Reposant sur une enquête par immersion ethnographique de long cours (2013-2017) auprès de secrétaires à l’hôpital, et secondairement à l’université, combinée à une exploitation statistique (Enquête Emploi 2020, INSEE), cette recherche met au jour les spécificités de leur condition sociale contemporaine, loin des visions stéréotypées de « la dactylo » et de « l’assistante du patron ». À travers l’étude des secrétaires au travail, c’est une sociologie de l’État et du pouvoir « par le bas » qui est proposée dans cette réflexion. L’enquête offre, en effet, un regard inédit sur les transformations qui traversent l’hôpital public sous l’effet du New public management, et en particulier sur l’érosion du pouvoir médical face à la montée du pouvoir administratif dans l’institution hospitalière. Cette recherche est aussi une contribution à l’analyse des institutions, des relations de pouvoir qui s’y déploient, et des formes de subordination domestique, intellectuelle et morale, éminemment genrées, sur lesquelles elles s’appuient.
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