Entre histoire du capitalisme, sociologie des élites et sociologie de l’État, cette thèse prend pour objet le rôle de la direction du Trésor – direction phare du ministère des Finances – dans la fabrique de « mondes » à la fois hybrides et intégrés d’institutions, de réseaux et d’acteurs “gravitant” autour d’elle, situés aux sommets du pouvoir et au croisement entre État et affaires, administration et économie, public et privé. A partir d’une enquête mêlant entretiens biographiques, base prosopographique et fonds d’archives publics et privés, elle explore les mécanismes concrets par lesquels la direction du Trésor produit du flou, du flux et de la hiérarchie au sein de ses mondes, dans une configuration historique précise (milieu des années 1960-milieu des années 1990). La thèse est organisée selon trois niveaux d’analyse des relations entre le Trésor et ses mondes. Au niveau écologique – celui des alliances – elle montre la transformation des coalitions de soutien du Trésor pour peser dans l’État, du Plan à la « place », organisant les modalités du ralliement de la direction aux réformes libérales à partir des années 1960. Au niveau institutionnel, elle analyse les échanges qui forgent la porosité entre le Trésor et ses mondes, et les contraintes institutionnelles qui leur donnent sens et forme, et montre que la direction du Trésor fonctionne alors comme une entreprise de placement. Au niveau individuel, elle analyse la construction des carrières dominantes (de la « grandeur ») au sein des mondes du Trésor, et les liens d’obligation, de cooptation et de parrainage sur lesquelles elles s’appuient. La thèse contribue, ainsi, à documenter les formes d’indifférenciation des activités qui caractérisent les sommets de l’État.
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