La Turquie est habituellement présentée comme « en transition ». Aux idées de développement et de démocratisation réitérées sur le mode de l’évidence dans les discours politique, militant et scientifique, vient désormais s’ajouter celle d’un passage de la démocratie représentative à la démocratie participative. La thèse remet en cause cette approche téléologique ainsi que les analyses unidimensionnelles de la participation (comme problème de « culture », de volonté politique ou de conformation aux prescriptions internationales) pour l’aborder plutôt comme produit du travail et des interactions de multiples acteurs.
À travers une enquête (entretiens, observations, archives et documents) sur les dispositifs de l’« Agenda 21 local », la thèse montre la construction dans la Turquie des deux dernières décennies d’une conception spécifique de la participation et d’une institution faible qui confortent à la fois les gouvernants du système représentatif et les ressources des promoteurs de la participation.
La première partie présente la mobilisation d’une coalition d’acteurs de la « société civile » spécialisés dans l’import-export symbolique, qui réinterprète et promeut en Turquie l’Agenda 21 local, issu du Sommet de Rio de 1992, et définit des formes légitimes de la participation. La deuxième partie expose le traitement étatique et la codification des dispositifs participatifs, rendus obligatoires et rebaptisés « Conseils de Ville », grâce à l’alliance établie avec certains hauts fonctionnaires et le premier gouvernement AKP cherchant à élargir ses soutiens dans le contexte de réforme de l’administration publique. La troisième partie étudie la pratique du Conseil de Ville, entre règles formelles et informelles de participation qui ont émergé, usages des acteurs locaux (élus, agents municipaux, notables, associatifs etc.) et dynamiques nationales de centralisation et de personnalisation du pouvoir.
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