Ce travail s’intéresse au processus de quantification de la « santé au travail » en entreprises et à ses effets. Pour ce faire, la thèse étudie trois dispositifs de quantification, mis en place par des médecins du travail. Elle lie l’analyse de la genèse des dispositifs, de leurs usages et effets avec l’étude des logiques des acteurs qui les ont fabriqués et portés. L’enquête, au plus près de la fabrication des chiffres et de leurs formes d’appropriation, combine entretiens, observations du travail de production des chiffres et des séances de restitution des données chiffrées, analyses de documents et d’archives (« documents d’entreprises » et « littérature grise » des dispositifs).
En portant l’attention sur les « luttes définitionnelles » autour des catégories proposées par les médecins et les « conflits d’usages » autour des chiffres, la thèse montre la manière dont la production chiffrée s’insère dans des rapports sociaux qui contribuent à redéfinir les finalités initialement attribuées aux dispositifs par leurs concepteurs. Pris dans des rapports de force qui leur sont défavorables, les médecins luttent pour défendre « leur » définition des catégories qu’ils ont fabriquées et diffusées et pour maîtriser les usages de « leurs » chiffres. En s’écartant des statistiques publiques habituellement étudiées dans les travaux de sociologie de la quantification, cette thèse éclaire le processus de fabrication, de diffusion et d’appropriation de chiffres dépourvus d’appuis institutionnels légitimes. Elle contribue également aux connaissances sur les enjeux et les luttes qui entourent la façon de définir et prendre en charge les problèmes de « santé au travail ».
École Normale Supérieure
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