S’attachant à l’analyse conjointe des évolutions sécuritaires et de la précarisation du travail et de l’emploi, cette thèse étudie un groupe professionnel de plus en plus visible mais encore méconnu : les travailleurs de la sécurité privée. En explorant la construction symbolique et matérielle du groupe, elle montre un paradoxe entre montée en puissance du secteur d’activité et faible reconnaissance des salarié.e.s. Celui-ci s’explique par l’origine dégradée de ce type de postes, et les conséquences d’une externalisation qui ménage le profit économique et social des employeurs et des donneurs d’ordres au détriment de la stabilité de l’emploi et de la valorisation du travail. On constate aussi que le recrutement repose essentiellement sur l’orientation par défaut et l’urgence d’emploi. L’expérience de rupture préalable et les conditions d’« insécurité sociale » nourrissent ici une disposition à assumer de fortes responsabilités et faire face à l’« insécurité civile » : c’est un aspect essentiel du sens de l’emploi de l’insécurité. Recrutant dans les catégories fragilisées de la société (en termes d’origines sociales et/ou ethno-nationales), le groupe demeure peu enclin à former des collectifs de travail. La lutte contre l’incertitude et la recherche de reconnaissance s’effectuent aux marges de l’idéologie sécuritaire, par la mobilisation de ressources acquises dans des instances professionnelles ou d’apprentissage précédentes. Ainsi, la plasticité du groupe des travailleurs de la sécurité privée dans la manière d’assurer ses fonctions s’accorde aux facettes implicites du durcissement des sociétés de contrôle.
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