Depuis la suspension du service national, l’armée n’est plus seulement le lieu d’encadrement systématique de la majorité d’une classe d’âge masculine. Elle se concentre désormais entièrement sur la production d’un bien particulier : des « capacités de combat » employées à travers le monde au nom de l’État français. Elle est l’administratrice des moyens militaires (à la fois de leur organisation et de leur mise en œuvre), ainsi que la responsable de l’entretien et de la transmission des techniques du combat aux soldats « professionnels ».
En quoi consiste le travail de ces soldats dans un régiment d’infanterie ? Que signifie concrètement s’entraîner ici et maintenant pour agir ailleurs et après ? À la croisée d’une sociologie du travail et d’une sociologie de l’action, cette thèse apporte des éclairages sur ces questions et explore l’institution militaire par le biais d’une ethnographie du travail quotidien de fantassins durant les quelques mois qui précédèrent leur déploiement en Afghanistan. L’investigation successive (1) des conditions de production de la sociologie militaire, (2) des cadres organisateurs du travail et de la vie quotidienne des soldats, (3) de l’instrumentation des soldats par l’inculcation par corps et par cœur des techniques militaires, et (4) des modes d’anticipation du combat, permet de lever le voile sur les conditions de possibilité du combat militaire et sur les dispositifs qui trament cette action collective particulière : celle d’administrer les moyens les plus radicaux du combat au nom de l’État. Il s’y forge une troupe manœuvrable, un collectif orchestré aux gestes et aux actes réglés.
Longtemps congédiés des objets de la sociologie, bien que toujours admis comme « faits sociaux », l’armée, la guerre et le combat servent ici de point d’appui pour l’élaboration d’une théorie sociologique de l’action qui engage solidairement les institutions et les individus confrontés à l’incertitude des phénomènes sociaux.
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