Il est difficile de donner une définition monovalente et homogène de la notion de pro bono (raccourcissement de l’expression latine « pro bono publico », signifiant littéralement « pour le bien public »), sauf à la rabattre, comme le font d’ailleurs certain-e-s avocat-e-s français-e-s, sur la pure et simple non-facturation de conseils juridiques. La définition du phénomène est un des enjeux de la recherche présentée dans ce numéro d’Études et documents.
Pratique importée des États-Unis, le pro bono est devenu, depuis une quinzaine d’années en France, un phénomène en vogue. Expression d’un ethos de service public aussi bien que d’un désir de soigner la réputation professionnelle des avocat-e-s, il va bien souvent de pair avec le développement, dans les cabinets, du droit des affaires, pratique rémunératrice à même de financer les programmes pro bono de ces derniers. Il implique également un mode particulier de facturation de l’activité (à l’heure plutôt qu’au forfait). Ces caractéristiques sont susceptibles d’entrer en conflit avec la structure organisationnelle du barreau français, au sein de laquelle l’avocat dit « indépendant » joue encore un rôle non négligeable.
La recherche s’appuie, en particulier, sur une enquête en cours qui a pour objectif de cartographier le secteur du pro bono en repérant l’ensemble des acteurs pertinents : avocat-e-s, représentant-e-s du barreau, responsables d’associations, d’ONG et d’organisations internationales, sans oublier les professionnel-le-s exerçant dans les clearing houses (structures intermédiaires entre les cabinets d’avocat-e-s et les ONG ou les associations). Les résultats présentés ici ont encore un caractère provisoire. L’objectif est de resituer ce phénomène du pro bono dans une perspective de sociologie de l’action publique, en le traitant comme une forme d’externalisation du service public de l’accès au droit, laquelle n’est pas sans évoquer les accents du New Public Management (NPM).
Normalien, diplômé de Sciences Po Paris, Charles Bosvieux-Onyekwelu est docteur en sociologie. Sa thèse a porté sur la socio-genèse de l’idée de service public en France entre 1873 et 1940. Ses travaux s’inscrivent principalement dans le domaine de la socio-histoire, de la sociologie du droit et de la sociologie des élites. Il est actuellement chercheur post-doctorant à l’EHESS, rattaché au Centre Maurice Halbwachs.