Cette thèse propose une analyse de cent entretiens biographiques menés auprès de jeunes ressortissants de l’ancienne URSS, nés principalement dans les années 1980-1990 et – pour deux tiers d’entre eux – devenus étudiants d’établissements d’études supérieures en France. La migration étudiante depuis la Russie vers la France est ainsi son objet principal d’investigation, précisé en comparant les cas de Russes mobiles internationalement et de ceux qui n’avaient pas connu – au moment de l’enquête – d’expérience d’études à l’étranger. La comparaison mobilité/non-mobilité fait ressortir les conditions qui amènent à souhaiter un voyage d’études dans un autre pays, ainsi que les actions qui s’effectuent pour sa mise en œuvre. La notion de carrière migratoire, constituée de trois phases – conception, préparation du départ, séjour –, est dans un premier temps mobilisée afin de montrer d’une part que ce n’est pas avec l’arrivée dans un pays étranger que la migration commence, mais avec la préparation du départ – cette dernière, si elle aboutit, étant la phase clé de la carrière –, et d’autre part que la migration doit être comprise comme une action, que les descriptions de contextes permettant de migrer ne suffisent pas à expliquer et qui demande ainsi à être analysée le plus finement possible. Dans un second temps, le terme de socialisation est proposé pour rendre compte de l’espace social de possibilité de concevoir et réaliser un départ étudiant à l’étranger. La distribution inégale des compétences en langues étrangères en Russie contemporaine est mise en évidence, ainsi que le processus – nommé « socialisation à l’étranger » – de formation des représentations quant aux pays occidentaux, faisant souhaiter un départ. Enfin, quelques dispositions sont repérées – comme la disposition volontaire ou la disposition au dilettantisme – qui autorisent à concevoir et à réaliser le départ étudiant ; les processus de constitution desdites dispositions sont reconstruits, permettant de constater à la fois une relative hétérogénéité et une sélectivité du recrutement d’étudiants internationalement mobiles. Cette thèse constitue un apport à la sociologie des migrations, ainsi qu’aux études sur la Russie. Avec son terrain national, peu étudié et associé à un ensemble de stéréotypes – répandus y compris dans le monde scientifique –, elle ambitionne aussi de contribuer à la sociologie de la socialisation, soucieuse de saisir des mécanismes généraux de la formation et de la transformation des individus dans la société.
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