Le Prix du jeune auteur organisé chaque année par la revue Sociologie du travail encourage de jeunes auteurs et autrices à valoriser un travail de recherche et à se confronter aux normes académiques en s’appropriant les codes de l’écriture scientifique et en jouant le jeu de l’évaluation par les pairs.
Nous avons reçu quinze propositions cette année, qui ont été examinées par un jury coordonné par Odile Join-Lambert et composé de six collègues : trois membres du comité de rédaction — Anne-Cécile Douillet, Geneviève Pruvost et Pascal Ughetto — et trois collègues extérieur·es au comité — Flora Bajard, Marie Benedetto-Meyer et François Dedieu.
La sélection s’est faite en deux tours, avec un choix final qui a porté sur six articles. À l’issue de ce second tour, trois prix sont attribués cette année encore, les auteurices des trois autres articles présents au second tour étant pour leur part invité·es à soumettre au comité de rédaction une version retravaillée de leurs textes, en vue d’une publication en varia.
Un premier prix ex aequo est décerné à Gabriel Alcaras, doctorant au Centre Maurice Halbwachs (CMH, CNRS, EHESS et ENS) sous la direction d’Emmanuel Didier et Christophe Prieur, pour son article intitulé « Des biens industriels publics. Genèse de l’insertion des logiciels libres dans la Silicon Valley ».
Alors que les logiciels libres sont fréquemment appréhendés dans le débat public ou académique pour illustrer une logique de « communs » à travers lesquels des acteurs sauraient échapper aux logiques de marché pour construire et entretenir des infrastructures de bien public, cet article reconstitue une histoire de la genèse des logiciels libres toute en surprises et en nuance. À partir du cas du logiciel CVS et à l’aide d’entretiens avec les ingénieurs impliqués ainsi qu’en retraçant leurs trajectoires professionnelles, l’auteur parvient à montrer que ces ingénieurs n’ont pas été portés, purement et simplement, par une motivation anti-marchande ou d’alternative au marché ou aux impératifs commerciaux. Ce sont plutôt des logiques professionnelles et d’activité qui ont été à l’œuvre : la mobilité professionnelle conduit les ingénieurs concernés à chercher les moyens d’importer le logiciel dans la nouvelle entreprise pour pouvoir continuer à l’utiliser et à le développer en contournant l’obligation faite par le nouvel employeur d’utiliser un logiciel commercial ou propriétaire. Dans la contribution partagée entre des membres d’entreprises commerciales et d’universités, les motivations ne sont pas en tant que telles de lutter contre la marchandisation mais plutôt de développer des outils qui les aident à aller plus vite dans la production de logiciels. Il est, par ailleurs, difficile de reconstituer une distinction très nette entre des contributions purement bénévoles ou amateurs et des contributions rémunérées.
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