La thèse analyse le rôle des institutions de décentralisation politique dans la légitimation du régime urbain de développement à la ville de Buenos Aires. Les dispositifs de proximité à l’échelle municipale sont souvent pensés sous l’angle des possibilités limitées qu’ils offrent à la population pour orienter les décisions publiques. La sociologie de la gentrification se focalise généralement sur l’investissement des classes supérieures dans la transformation des quartiers modestes. Cette thèse propose de croiser ces interrogations. À partir de l’étude des Comunas, qui sont des unités de gestion politique et administrative dirigées par des Juntas Comunales élues dans chaque arrondissement de la ville, cette recherche analyse comment les discours et pratiques qui façonnent l’activité des élus de proximité s’articulent avec les alliances de croissance urbaine ( growth coalitions ), contribuant ainsi à la production quotidienne du consentement du régime urbain face à des transformations de la ville potentiellement conflictuelles et ne laissant que peu de place à des formes alternatives de production de la ville. À ce titre, les Comunas sont une porte d’entrée privilégiée pour comprendre la cartographie politique des inégalités urbaines.
L’enquête repose sur une méthodologie mixte, combinant une ethnographie menée principalement auprès de ces représentant·e·s, ainsi que de fonctionnaires et d’habitant·e·s impliqué·e·s dans ces dispositifs ; une analyse d’archives sur les politiques et initiatives portées par les Comunas; ainsi qu’une analyse quantitative fondée sur une base de données recensant les élu·e·s ayant exercé un mandat au sein des Juntas Comunales entre 2011 et 2023. Cette approche permet de reconstruire les profils de ces figures de proximité, en fonction des classes socio-territoriales qu’elles représentent et des hiérarchies sociales et politiques qui traversent l’institution. En mobilisant la sociologie politique de l’action publique locale et la sociologie urbaine, cette thèse propose de lire les Comunas comme une configuration compartimentée, permettant, dans la même ville, la cohabitation de différents modes de justification des inégalités urbaines. Dans cette configuration socio-historique, les tâches de médiation et de production de consensus sont distribuées selon la géographie sociale, sans remettre en cause l’objectif général de croissance urbaine et de valorisation foncière inégalitaire. Bien que, dans certains quartiers, les représentant·e·s contestent ou amendent localement les cadres symboliques et normatifs de l’action publique, ces interventions ne compromettent pas nécessairement la stabilité du régime dominant.
École Normale Supérieure
Bâtiment Oïkos
48 boulevard Jourdan
75014 PARIS