Prenant appui à la fois sur une approche d’histoire croisée et sur une enquête de terrain menée principalement auprès de trois organisations agricoles, issues de pays et de continents différents, la thèse étudie le cas d’un mouvement paysan à vocation internationale nommé La Vía Campesina. Elle explore les modalités par lesquelles ont pu s’accomplir des connexions entre militantes paysannes par-delà les frontières nationales, tout en restituant autant que possible le sens de ces connexions, leur densité variable, ainsi que leur transformation à travers le temps. Elle montre que ce processus de connexion ne réduit pas seulement à des mobilités et rencontres physiques de militantes mais qu’il a également des conséquences sur un plan discursif et cognitif. La thèse entreprend ainsi de mettre en lumière le travail de construction de schèmes d’interprétation communs qu’ont progressivement opéré les militantes grâce à un travail d’articulation de problèmes qui demeuraient jusque-là isolés au sein de plateformes revendicatives unifiées et à l’extension des cadres préexistants de chacune des organisations au-delà de leurs intérêts originels. On identifie en outre plusieurs modalités, pour les organisations paysannes étudiées, d’ériger « l’international » en motif d’action collective légitime. L’insistance sur l’imbrication de logiques locales, nationales et internationales dans la construction d’une action collective transnationale permet de relativiser une lecture par trop spontanéiste et étroite de l’émergence de La Vía Campesina, et de se déprendre, plus largement, d’une explication mono-causale mobilisant la « globalisation » – concept lui-même flou et doté d’une élasticité sémantique qui prête à confusion – comme principe explicatif du développement de mouvements sociaux transnationaux.
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