A partir de la reconstruction et de l’analyse du processus d’apparition de la question des femmes victimes du conflit armé en Colombie comme une cause de mobilisation féministe, cette recherche rend compte du rôle structurel du droit dans sa gestation et sa consolidation. Grâce à une approche qui articule les perspectives de la sociologie du droit, de la sociologie des mouvements sociaux, ainsi que de la critique féministe du droit, l’analyse met en exergue les conditions d’émergence des dénonciations publiques et juridiques des femmes affectées par les violences armées, qu’elles se mobilisent d’elles-mêmes ou que la mobilisation se fasse en leur nom. A partir d’une enquête empirique fondée principalement sur des entretiens, l’analyse des discours et l’observation du fonctionnement des instances judiciaires, outre la compréhension du rôle axial du recours au droit et à la justice dans ces processus, l’analyse de la cause permet d’enquêter sur la place de la question des femmes et des victimes dans l’action publique en Colombie, notamment dans les politiques qui visent la « sortie du conflit ». Des concepts tels que « justice transitionnelle », « droits humains des femmes » ou les « politiques constitutionnelles » sont aussi revus conformément à une perspective constitutive du droit. L’histoire contemporaine du conflit armé colombien, des mobilisations sociales pour la paix ou contre la guerre, ainsi que des efforts institutionnels pour gérer les effets des violences se trouvent ainsi interpelées. D’une part, du fait de la perspective doublement genrée que les objets « femme victime » et « mobilisation féministe » introduisent. D’autre part, en raison des dynamiques générées par le surgissement de la question des femmes victimes comme étant à la fois un objet de mobilisation, un sujet de dénonciation, et une « sujette de droits ».
École Normale Supérieure
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